On ne peut imaginer que les mondes vont attendre que les entreprises/institutions se posent les bonnes questions et surtout y répondent.
Les entreprises qui ont une vision très tactique, sont extrêmement agiles mais pour combien de temps ? Les autres sauront-elles réagir à temps ?
L’une des menaces qui plane sur les entreprises est une crise non imaginée, non pensée et non maîtrisée. En fait, le sujet est l’agilité dans l’urgence.
L’information n’a plus les mêmes valeurs qu’hier. Les media traditionnels souffrent cruellement d’un manque d’argent et donc de journaliste. Les informations sont peu vérifiées. Heureusement, le confinement a permis d’augmenter les ventes en ligne et donc apporter un peu de cash. Néanmoins, les media sociaux truffés de fake news, nourrissent pour partie la presse traditionnelle, en sujets, en polémique, en clash, mais pas en sujets de fond, en arguments, ….
Les nouvelles sur les media sociaux sont nourries par des robots pour près de 15% (souvent en provenance de Chine et de Russie, avec une réelle volonté de déstabilisation)précise Michaël Chemla. « On note une simultanéité des fake news en Europe occidentale et dans les Amériques, avec une accélération en période de crise ou électorale. Ces rumeurs et tentatives de corruption de l’information sont relayées par tous les adeptes antisystème, extrémistes, complotistes, militants d’associations intersectionnelles (féministes, anti-racistes, indigénistes, communautaristes, black-blocs, LGBT, suprémacistes, …), qui en profitent pour attaquer des entreprises et institutions, pour étayer leurs propres thèses et « vendre du papier » ou du temps de cerveau disponible ».
Pendant les mois de mars, avril, mai et juin 2020, nous avons entendu des faux spécialistes, parler santé, des faux personnels hospitaliers parler de leurs quotidien avec manque de tout, des vrais collapsologues** nous annoncer la fin du monde, à cause de la Chine ou de Sanofi, des syndicalistes passer des messages erronés, mais qui arrangeaient leurs revendications, des politiques relayer des informations invérifiables, pour prendre du temps d’antenne, mais aussi 60 millions de Présidents de la République, de ministres de la santé, de l’Intérieur ou des Affaires Etrangères, expliquer sur Twitter, Facebook ou même en radio, ce qu’il aurait fallu faire, ne pas faire, ne pas laisser faire, …
Dans beaucoup d’organisations actuelles, se confrontent des modes de pensées et d’actions, dues aux générations différentes, qui parfois ne se comprennent pas. Les plus jeunes ne regardent pas la télévision et n’écoutent pas la radio. Les plus âgés, qui ont grandi et mûri avec la presse, ne considèrent pas facebook comme une source fiable d’information, alors que les médias sociaux sont officiellement reconnus comme étant la source principale d’information des X et Y.
Et les plus jeunes étant habitués au content-snacking, le fait de consommer des contenus par petits bouts, ils ne « fouillent » pas un sujet pour s’en faire une opinion. On peut rapprocher cela du phénomène Google Zero Clic : vous faîtes une recherche, Google vous propose un résumé dans un cartouche. 3 lignes qui suffisent pour obtenir la réponse. Nombre d’entre nous ne vont pas plus loin.
Se rajoute à cela, le fait que beaucoup des moins de 34 ans, mettent sur un pied d’égalité un influenceur sur Youtube et un journaliste de France Info. Il a la parole = il est crédible.
Cela influe sur leur façon de penser, de se faire un avis propre, d’être objectif et critique, … Donc cela leur donne une perception de la réalité parfois différentes et par rebond, un réflexe de réaction à la réalité divergent.
On peut aussi imaginer que la perception de la réalité, passe par le prisme de ses propres priorités. Les communautés ethniques ou religieuses n’ont pas entre elles, la même lecture et ramènent tout à leur problématique, d’offense, de souffrance, de liberté. Idem pour la perception d’un syndicat, d’une agglomération touchée par la crise, d’une fédération sportive cible d’un scandale, d’une société sous le coup des critiques d’un lobby. La lecture d’une crise, voir même son origine sont aujourd’hui tellement plus complexes qu’il y a quelques décennies.
Dans ces conditions, difficile d’appréhender la communication et ce, d’autant plus que surgissent des crises relativement inattendues. Nous faisons référence à Sanofi, à Derichebourg , Ryan Air, Axa, les abattoirs de viande etc.
Ces nouvelles crises ne correspondent pas toujours aux risques inhérents à l’activité tel un rappel de produit pour un industriel de l’agro-alimentaire ou une légionellose ou une grave erreur médicale dans un centre hospitalier. L’après Covid se distingue par des crises de communication pas forcément liées aux activités de l’entreprise et à l’avidité des media et media sociaux de trouver de nouveaux angles pour traiter le sujet. « Ceci signifie que les entreprises doivent élargir leurs scenarii de crise de façon à pouvoir réagir plus rapidement » précise Odile Vernier.
La crise peut venir de l’intérieur, de l’extérieur, d’un faux intérieur aussi (usurpation), avoir un fond de vérité ou non (invérifiable, mais de toute façon, trop peu de gens vérifient), être datée d’il y a 5 ans, mais ressurgir aujourd’hui et être intégrée à un contexte différent, … Il faut rappeler que, en période de crise, c’est à la supposée société criminelle de prouver son innocence. Et cela coûte une énergie folle, alors que lancer une rumeur prend un tweet.
Cela présuppose que les entreprises/institutions puissent imaginer toutes les conséquences de chaque décision. A l’heure actuelle, tout un chacun peu commenter ce qu’il juge utile via les media sociaux et ce, sans aucun filtre. A titre d’illustration, les chartes de comportements à l’égard des media sociaux sont quasi inexistants dans les entreprises/institutions en France.
Les échelles de valeur n’ont plus les mêmes repères. Les scientifiques, autrefois garants d’une information juste, n’ont guère plus de crédit dans l’opinion publique, les politiques et aussi les institutions ne sont que très peu crédibles et, les entreprises ne pensent qu’à rémunérer les actionnaires.
Alors, comment communiquer sur des crises inattendues et, sans pouvoir s’appuyer les habituels porte-parole crédibles ?
Anticiper les crises de réputation reste la meilleure chose à faire.
* L’ultracrepidarianisme est le comportement qui consiste à donner son avis sur des sujets sur lesquels on n’a aucune compétence démontrée.
**La collapsologie est le courant de pensée qui étudie les risques d’un effondrement de la civilisation industrielle et ce qui pourrait lui succéder.